Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T2.djvu/82

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fondre en larmes ; soyez comme tout le monde : votre silence ne cache pas votre chagrin à ma pénétration, je vois bien que vous êtes prête à pleurer dans ce moment, quoique je vous en reprenne ; oui, dans ce moment même, en dépit de ma défense.

Emilie, qui s’étoit tournée pour cacher ses larmes, quitta la chambre pour en verser abondamment : elle passa la journée dans un serrement de cœur que peut-être elle n’avoit pas encore connu. Quand elle se retira le soir, elle resta sur la chaise où elle s’étoit jetée, et y demeura long-temps encore après que toute la maison fut abandonnée au sommeil. Elle ne pouvoit se départir de l’idée qu’elle avoit quitté Valancourt pour ne plus le voir : la longueur du voyage qu’elle alloit commencer, l’incertitude de son retour, les injonctions qu’elle avoit reçues, et qui suffisoient pour justifier ses craintes, n’en étoient pourtant pas les seuls motifs ; elle y joignoit une impression, qu’elle croyoit un pressentiment, et ne doutoit pas qu’elle ne quittât Valancourt pour toujours ; la distance qui les alloit séparer n’effrayoit pas moins son imagination. Les Alpes, ces redoutables barrières ! les Alpes alloient s’élever, d’immenses pays s’étendre entre les lieux qu’ils