Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T5.djvu/118

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cupoit plus. Il regarda Emilie avec tant de tendresse et de douleur, qu’elle en eut le cœur pénétré. Il lui souhaita le bonjour ; et faisant au comte une légère inclination, il s’éloigna.

Emilie, retirée chez elle, sentit une oppression qu’elle avoit rarement éprouvée ; elle essaya de rassembler ce que le comte lui avoit dit, et de peser les circonstances dont il paroissoit si instruit et si persuadé. Elle songeoit à la conduite qu’il faudroit à l’avenir tenir envers Valancourt ; incapable de penser et de réfléchir, elle ne pouvoit que sentir l’excès de son malheur. Un moment, elle se représentoit que Valancourt n’étoit plus l’homme qu’elle avoit si tendrement aimé, et dont l’idée l’avoit jusques-là soutenue sous le poids de l’affliction par l’espérance d’un avenir plus heureux : c’étoit un caractère avili, dégradé. Elle devoit tâcher de le mépriser, si elle ne pouvoit l’oublier ; mais ne pouvant admettre une supposition si terrible, elle la rejetoit : elle se refusoit à croire sa conduite semblable au tableau qu’en faisoit le comte, et conclut que des ennemis le lui avoient peint sous de fausses couleurs. Quelquefois même elle alloit jusqu’à douter de la bonne foi du comte, et à lui supposer quelques motifs