Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T6.djvu/169

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assisté son père. Il passa sans la remarquer. Elles entrèrent dans la pièce où sœur Agnès étoit couchée sur une natte ; près d’elle étoit une autre sœur. Elle étoit si changée, qu’à peine Emilie auroit-elle pu la reconnoître, si elle n’eût été prévenue. Son air étoit hagard et horrible ; ses yeux, creux et voilés, se fixoient sur un crucifix qu’elle tenoit contre sa poitrine ; elle étoit si préoccupée, qu’elle n’aperçut d’abord ni l’abbesse ni Emilie. Enfin, tournant ses yeux appesantis, elle les fixa avec horreur sur Emilie, et s’écria : Ah ! cette vision me poursuit jusqu’à mon dernier soupir.

Emilie recula d’effroi, et regarda l’abbesse : celle-ci lui fit signe pour ne se point alarmer ; puis elle dit à sœur Agnès : — Ma fille, c’est mademoiselle Saint-Aubert que je vous amène. Je croyois que vous auriez du plaisir à la voir.

Agnès ne fit aucune réponse : elle considéroit Emilie dans un effroyable égarement. — C’est elle-même, s’écria-t-elle. Ah ! elle a dans ses regards le charme qui fit ma perte. Que voulez-vous ? que demandez-vous ? réparation ! vous l’aurez ; vous l’avez déjà ! Combien d’années sont écoulées depuis que je ne vous ai vue ? Mon crime n’est que d’hier ; j’ai vieilli sous son poids ; et vous,