contempler et de baigner de larmes un portrait du marquis. Elle visite les lieux témoins de leur félicité, elle épanche son cœur dans ses lettres. Elle comptoit les jours, les semaines qui dévoient s’écouler avant l’époque probable de son retour. Cette période passa ; les semaines qui suivirent devinrent un poids insupportable. L’imagination de Laurentini, absorbée par une seule idée, se dérangea. Son cœur étoit dévoué à un objet unique ; la vie lui devint odieuse, quand elle crut avoir perdu cet objet.
Plusieurs mois se passèrent sans qu’elle reçût un seul mot du marquis. Ses jours se partageoient entre les violences, les accès d’une passion furieuse, et la sombre langueur du plus noir désespoir. Elle s’isola de tout ; elle s’enfermoit des semaines entières sans parler à personne, excepté à sa confidente. Elle écrivoit des fragmens de lettres, relisoit celles qu’autrefois elle avoit reçues du marquis, pleuroit sur son portrait, et lui partait des heures entières, tantôt pour l’accabler de reproches, tantôt pour l’accabler d’amour.
À la fin, on répandit autour d’elle le bruit que le marquis s’étoit marié en France. Déchirée par la jalousie, par l’amour, par l’indignation, elle prit le parti d’aller