Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T6.djvu/195

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secrètement en ce pays ; et si le fait étoit vrai, elle prétendoit assouvir sa vengeance. Elle ne dit qu’à sa confidente le projet qu’elle avoit formé, et elle l’engagea à la suivre. Elle rassembla tous ses diamans, et ceux qu’elle avoit recueillis de toutes les branches de sa famille ; la valeur en étoit immense ; on les porta dans une ville voisine ; Laurentini les y reprit ; et accompagnée d’une seule femme, elle se rendit secrètement à Livourne, et s’y embarqua pour la France.

À son arrivée en Languedoc, elle sut que le marquis de Villeroy étoit marié depuis quelque temps. Son désespoir la priva de sa raison. Elle formoit, elle abandonnoit tour à tour l’horrible projet de poignarder le marquis, son épouse, et elle-même. Elle s’arrêta enfin à l’idée de se présenter devant lui, de lui reprocher sa conduite, et de se tuer en sa présence. Mais quand elle l’eut revu, quand elle eut retrouvé le constant objet de ses pensées et de sa tendresse, le ressentiment fit place à l’amour ; le courage lui manqua ; le conflit de tant d’émotions contraires la rendit tremblante, et elle s’évanouit à ses pieds.

Le marquis ne fut pas à l’épreuve de tant de beauté et de sensibilité : toute l’énergie