d’un premier sentiment se réveilla. La raison, non l’indifférence, avoit en lui combattu sa passion. L’honneur ne lui avoit pas permis d’épouser la signora ; il avoit cherché à se vaincre ; il avoit cherché une compagne, pour laquelle il n’avoit que de l’estime, de la considération, et une affection raisonnable. Mais la douceur, les vertus de cette femme aimable, ne purent le consoler d’une indifférence qu’elle cherchoit vainement à cacher. Il soupçonnoit depuis quelque temps que son cœur étoit engagé à un autre, lorsque Laurentini arriva en Languedoc. Cette artificieuse Italienne connut bientôt l’empire qu’elle avoit repris sur lui. Calmée par cette découverte, elle se détermina à vivre et à multiplier les artifices, pour conduire le marquis au forfait diabolique qu’elle croyoit propre à assurer son bonheur. Elle suivit son projet avec une dissimulation profonde et une patience imperturbable : elle détacha entièrement le marquis de son épouse. Sa douceur, sa bonté, sa froideur, si opposées aux manières empressées d’une Italienne, eurent bientôt cessé de lui plaire. La signora en profita pour éveiller en lui la jalousie de l’orgueil : car il ne pouvoit plus sentir celle de l’amour. Elle alla jusqu’à lui désigner la
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Apparence