Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T6.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

presque privée de sentiment. La force et la pensée lui revinrent ; elle se hâta de rentrer chez elle ; et, craignant de montrer son émotion, elle n’osa demander lequel des gens de la maison s’étoit promené dans les jardins. Quand elle fut seule, elle se rappela la figure, l’air, les traits de la personne qu’elle avoit aperçue : mais celle-ci avoit disparu si vite, l’obscurité la déroboit tellement, qu’elle ne pouvoit se rien retracer avec exactitude, et pourtant son ensemble et son brusque départ lui faisoient croire que c’étoit Valancourt. Quelquefois elle s’imaginoit que, frappée de son idée, elle, en avoit revêtu trop légèrement quelqu’un qu’elle avoit à peine aperçu. Sa conjecture étoit douteuse. Si c’étoit lui, elle s’étonnoit de le trouver à Toulouse, et de le rencontrer chez elle ; mais toutes les fois que son impatience la pressoit d’éclaircir si l’on avoit laissé entrer un étranger, elle étoit retenue par la crainte de montrer ses doutes. La soirée se passa dans les incertitudes et dans l’effort qu’elle se faisoit pour en détourner ses pensées. Vaine tentative : mille émotions diverses l’agitoient, quand elle croyoit que Valancourt étoit près d’elle. Elle craignoit d’avoir bien jugé ; elle craignoit autant de s’être abusée. Elle vouloit