Page:Raguey - Le Buste voilé, Roman complet no 19, 1916.djvu/38

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et je revins auprès de mon amie. Elle me fit question sur question, mais je ne répondis à aucune d’une manière satisfaisante. De retour à Prato, j’essayai pendant deux ou trois jours de paraître plus gaie. On se fit illusion sur mon état. Bientôt le mal reprit le dessus, et la prédiction de la vieille femme se serait bientôt accomplie si vous n’étiez revenu.

— Oui, je suis revenu pour vous dire que je vous aime et que ma vie vous appartient.

— La mienne aussi vous appartient ; vous en êtes le maître. D’ailleurs, j’allais mourir et vous m’avez fait renaître. Si vous saviez quel bonheur j’ai ressenti en vous voyant ! Mais c’est surtout quand votre bras a cherché à me soutenir que j’ai été heureuse ! Dieu aurait dû choisir ce moment pour m’appeler à lui, s’il est dans ma destinée de vous perdre.

Un cri d’effroi se fît entendre ; Nino, tout effaré, vint se jeter contre nous, et il nous montrait du doigt le milieu du chemin. C’était une couleuvre dérangée par lui qui s’enfuyait tortueusement et en sifflant. Pia eut un frisson d’horreur, et saisissant l’enfant par la main, elle me dit : « Partons, partons. Ah ! pourquoi ai-je vu cette horrible bête ? »


VI


Le lendemain de ce jour, qui fut un des plus beaux de ma vie, j’étais dans mon atelier, repassant en esprit les moindres circonstances du récit de Pia, et m’enivrant