Page:Raguey - Le Buste voilé, Roman complet no 19, 1916.djvu/42

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nait plus fréquemment que de coutume, et je crois que ma pauvre Pia l’envoyait souvent pour avoir une occasion de venir le chercher, et peut-être de voir un peu ce qui se passait chez moi. Ce petit manège ne put échapper à miss Margaret, qui avait déjà pris en aversion Nino, et qui ayant vu Pia, se mit à me vanter sa beauté en termes tellement hyperboliques, que j’y vis moins la franchise que la jalousie et un secret orgueil froissé. Elle finit son éloge en disant : « C’est dommage que cette fille soit née dans la boutique d’un boulanger. »

Piqué de cette observation, je lui répondis que l’humilité de sa condition ne faisait que rehausser l’éclat de ses vertus et de sa beauté. La fière Américaine se mordit les lèvres jusqu’au sang et ajouta : « sans doute, sans doute, et je crois que mon frère partage quelque peu vos sentiments d’admiration pour elle, et je ne sais pas si elle ne lui ferait pas faire autant de folies qu’à vous-même. »

Ces paroles m’émurent si profondément que je ne sus rien répondre. Je sentais qu’elles étaient maladroites et que, loin de me détacher de Pia, elles m’en rapprochaient bien davantage. Néanmoins je ne pouvais m’empêcher de penser que tandis que miss Margaret me tenait en quelque sorte cloué dans mon atelier, son frère sir Edwards était