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d’argent dans un État qui fasse la différence de sa grandeur et de sa puissance » ; il déplore les « 12 à 18 millions de livres qui sortent tous les ans du royaume, en denrées de son crû nécessaires pour la consommation de l’étranger[1] » ; il veut qu’on l’informe de l’entrée du numéraire lorsque quelque navire en apporte[2] ; et les peines les plus sévères continuent à frapper l’exportation des monnaies, sans que Colbert paraisse suffisamment se souvenir qu’une des plus grandes lois de la circulation internationale de la monnaie, révélée il y avait trois siècles déjà par Oresme, devait se jouer impunément de ses barrières et de ses douaniers.

À cet égard, en effet, on n’était pas sous Louis XIV beaucoup plus avancé qu’aux temps où l’ordonnance d’Orléans de 1561, élaborée par le chancelier de L’Hôpital, avait défendu, sauf pour les annales, de transporter de l’or et de l’argent hors du royaume, sous peine d’une amende quatre fois égale à la somme exportée.

Le plus grand mérite de Colbert ne fut donc pas, ici, d’apporter des idées nouvelles et d’autres principes, mais bien plutôt de savoir réaliser avec beaucoup d’intelligence et d’énergie un programme dont Henri IV déjà avait esquissé les grandes lignes dans son édit de 1603[3].

Comme mesures pratiques au point de vue du commerce, Colbert avait projeté là suppression des traites (ou douanes) intérieures : s’il ne put faire aboutir ce projet, il les simplifia tout au moins par l’abaissement des tarifs et par le

  1. Mémoire de 1663.
  2. Témoin ce billet qu’il écrit en 1670 à un de ses agents à Rouen, sur la nouvelle que deux bâtiments venus de Cadix au Havre avaient apporté la somme, encore modeste cependant, d’un million de livres : « J’ai été un peu étonné de n’avoir pas reçu cet avis par vous, vu que vous savez qu’il n’y a rien qui puisse être plus agréable au roi que de semblables nouvelles. N’y manquez donc pas à l’avenir. »
  3. « Un des principaux expédients, disait Henri IV, pour tirer les populations des grandes incommodités qu’elles ont souffertes pendant la guerre, est l’établissement des arts et manufactures, tant pour l’espérance qu’elles donnent d’enrichir ce royaume et de ne plus recourir à nos voisins… que pour être… le seul moyen de ne point transporter hors du royaume l’or et l’argent pour enrichir nos voisins » (Préambule de l’Édit de 1603).