Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/126

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groupement des provinces des cinq grosses fermes, non sans accepter toutefois, par une anomalie que nous ne comprenons guère, le système des pays à l’instar de l’étranger effectif et la distinction ; entre les frontières économiques de la France et ses frontières politiques[1]. Le commerce était également ; facilité par l’ouverture des voies de communication. L’entreprise du grand canal de Languedoc, œuvre immortelle de Biquet, la création de la poste aux chevaux, l’amélioration ou la construction d’un certain nombre de routes, la tentative de l’unification des poids et mesures, enfin le projet du canal de Bourgogne attestent l’active sollicitude que Colbert déployait dans cette partie de son programme d’administration. C’est la brillante période du siècle de Louis XIV et elle l’est surtout par Colbert.

La misère cependant était intense. Si les plaintes les plus retentissantes qui nous sont parvenues, celles de Vauban et de Boisguilbert, sont postérieures d’une quinzaine d’années à la mort du grand ministre[2], il n’en est pas moins vrai que cette misère datait de bien plus loin. Boisguilbert remonte à 1660 lorsqu’il calcule depuis quand les revenus annuels de la France avaient diminué de cinq à six cent millions de livres, et lorsqu’il expose que certains fonds ne sont pas au quart de leur valeur d’autrefois. Le déclin de l’agriculture, dit Boisguilbert, pesait lourdement sur l’industrie, car les personnes « qui avaient mille livres de rentes en fonds, n’en ayant plus que cinq cents, n’emploient plus ; des ouvriers que pour la moitié de ce qu’ils faisaient autrefois, lesquels en usent de même a leur tour à l’égard de ceux desquels ils se procureraient leurs besoins[3] ».

Mais le colbertisme ne songeait guère à l’agriculture.

  1. Voir nos Éléments d’économie politique, 2e édition, p. 418.
  2. On verra que le Détail de la France de Boisguilbert est de 1697 et que la Dîme royale de Vauban fut composée en 1698, terminée en 1706.
  3. Détail de la France, Ire partie, ch. iii. — La description des paysans dans les Caractères de La Bruyère est trop connue pour que nous la citions ici.