Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/127

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Les injustices du système fiscal, les vexations et l’arbitraire de la taille la ruinaient. C’était une période de concentration de la propriété foncière ; et au fur et à mesure que de petits domaines étaient absorbés par la grande propriété, les nouveaux acquéreurs obtenaient des exemptions ou des allégements de taille, qui alourdissaient encore le fardeau sur les épaules des paysans, bien que la taille dans son ensemble eût subi des réductions entre l’avènement de Louis XIV et la mort de Colbert[1]. Tels sont les faits qui suscitèrent un peu plus tard les travaux de Boisguilbert et de Vauban[2].

Au début cependant le système de Colbert avait contribué sans aucun doute à développer notre industrie : mais il avait été aussi une des causes déterminantes de la guerre de Hollande (1672-1678), qui présageait déjà le déclin du grand règne et dont les malheurs contribuèrent à contrarier sensiblement lès-résultats que Colbert s’était proposés. Colbert aussi avouons-le, versait dans ce que nous appellerions aujourd’hui l’étatisme ; l’intervention trop minutieuse et trop étouffante de l’État menaçait de décourager les initiatives particulières. Ce n’était là, du reste, qu’un des traits du régime, sous un pouvoir de plus en plus absolu et centralisé. Les initiatives charitables elles-mêmes ne trouvaient pas grâce devant ce système, pendant que les vieilles fondations de la naïve générosité des siècles chrétiens étaient absorbées dans les « Hôpitaux généraux ». La théorie que le prince est chargé d’assurer la prospérité économique de son peuple par son active intervention en toutes choses, arrivait au terme de sa carrière, c’est-à-dire de ses abus.

De son côté, le commerce avec les continents éloignés était l’objet de privilèges de plus en plus centralisés.

  1. Boisguilbert, Détail de la France, IIe partie, ch. VII.
  2. Sur la détresse générale même sous Colbert, voyez le Vauban économiste de Michel et Liesse, pp. 59 et s. — Pour plus de détails, consulter Horn, l’Économie politique avant les physiocrates, 1867, ch. i-ii, pp. 1-43.