Cela dit, les physiocrates étaient bien partisans de la liberté commerciale, non seulement à l’intérieur, mais à l’extérieur aussi : seulement ce n’était que dans l’intérêt des producteurs agricoles. Volontiers eussent-ils envisagé la suppression des droits de douane comme une mesure de protectionnisme agrarien. Il fallait que la France pût acheter les produits manufacturés de l’étranger, pour qu’elle pût lui vendre en retour ses produits agricoles et pour qu’elle pût faire hausser à l’intérieur le prix de ces mêmes produits. On sent que les physiocrates veulent réagir contre le mercantilisme colbertiste, qui avait protégé si énergiquement l’industrie aux dépens pour ainsi dire de l’agriculture ; et ils attendent de la liberté commerciale, en faveur de l’agriculture, non seulement des ventes plus faciles de ses produits, mais aussi des cours plus réguliers et de moindres variations du prix de ses denrées. « Il est prouvé, disait Quesnay, que (cette liberté) en même temps qu’elle renchérit les productions du pays, leur assure un prix beaucoup moins variable[1]. »
Bien plus, tout au rebours des libre-échangistes, les physiocrates ne tiennent aucunement au développement du trafic international. Mercier de la Rivière surtout y est très peu favorable. Pour lui, le commerce extérieur n’est qu’un « pis-aller » ; sa nécessité, lorsqu’elle résulte du climat, est un « malheur » ; quand il est « indispensable », il faut dire qu’il est un « mal nécessaire[2] ». On doit bien se garder de confondre « l’intérêt du commerce », c’est-à-dire « l’intérêt particulier, des commerçants nationaux », avec « l’intérêt commun de la nation[3] ». Le commerçant est « nécessairement cosmopolite : comme instrument du commerce, il est nécessairement aux gages de plusieurs
- ↑ Quesnay, Premier problème économique, édition Oncken, p. 499. — Voyez aussi Fermiers, ibid., p. 182.
- ↑ Mercier de la Rivière, Ordre naturel et essentiel des sociétés politiques, édition Daire, p. 547.
- ↑ Ibid., p. 549. — Item, Le Trosne, Intérêt social, ch. VII, §§ 4-5, édition Daire, pp. 970 et s.