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Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/22

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des théories bien plus saines et des conceptions bien plus neuves et plus fécondes[1]. Il croit encore, il est vrai, à la nécessité de l’esclavage, mais il défend judicieusement la propriété contre Platon[2] ; avec cela, non content de réfuter les utopies platoniciennes sur la communauté des biens et des femmes, il proclame le premier l’existence d’une chrématistique ou science de l’acquisition des richesses.

En tout cas, nous devons d’autant plus nous arrêter aux principales idées économiques d’Aristote, qu’il a lui-même exercé l’influence la plus incontestable sur toute la science de la seconde moitié du moyen âge. Les scolastiques — qui ne pouvaient pas, il est vrai, le lire dans son texte original — le connaissaient grâce aux traductions qui leur en étaient venues par les Arabes d’Espagne, et son autorité, entourée pour eux d’un prestige irrésistible, leur fournissait à chaque instant des arguments sous lesquels ils s’inclinaient sans discussion. Nous en ferons particulièrement la remarque à propos du prêt à intérêt et de la justification de l’esclavage.

Il semble que toutes les idées économiques du philosophe de Stagyre pivotent autour de sa distinction des deux

    autres, il employât la quatrième partie du temps à préparer sa nourriture et les trois autres parties à se bâtir une maison, à se faire des habits et des souliers ? — Il me semble, Socrate, que la première manière serait meilleure pour lui… — D’où il suit qu’il se fait plus de choses, qu’elles se font mieux et plus aisément lorsque chacun fait celle pour laquelle il est dégagé de tout autre souci » (Ibid.).

  1. Les théories économiques d’Aristote se trouvent dans sa Politique, en huit livres. — De l’Économique il nous reste deux livres, qui devaient faire partie d’un traité sur la richesse ; mais, outre qu’ils offrent moins d’intérêt, ils sont tenus maintenant pour apocryphes. On y trouve la thèse de l’omnipotence de l’État en matière de monnaie, et l’auteur inconnu de cet ouvrage y raconte complaisamment diverses histoires de falsifications monétaires (Économique, 1. II, ch. v, xvii, xxi, xxiv). — Il faut voir également le livre V, ch. v, de la Morale ou Éthique d’Aristote.
  2. La défense de la propriété contre Platon remplit le ch. II, 1. II, de la Politique. Voir aussi les ch. i et iv du même livre. — Notons cependant que M. Souchon, dans ses Théories économiques de la Grèce antique, représente Aristote comme un socialiste, contre Platon qui ne l’aurait pas été (Op. cit., ch. iii, § 2). Mais nous reviendrons sur cette appréciation (infra, 1. IV, ch. i).