Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

principes : l’une sur le despotisme légal, à tel point qu’il voit dans le mot « autorité tutélaire le cachet économistique » et ce qui « caractérise précisément la partie honteuse du système des économistes[1] » ; l’autre sur le fondement de la propriété foncière. Ce fondement, Turgot le mettait dans les conventions humaines et les lois civiles qui ont garanti aux premiers cultivateurs et à leurs héritiers là propriété des terrains qu’ils avaient occupés, lors même qu’ils cesseraient de les cultiver ». Dupont de Nemours, insérant ce passage des Réflexions, biffa les mots « humaines » et « civiles », et expliqua ces « conventions » et ces « lois » par les « avances foncières… pour ainsi dire incorporées au sol même ». C’était substituer les théories du travail et du droit naturel aux théories de l’occupation et du droit civil, et « c’est, disait Turgot, cette correction qui m’a le plus fâché[2] ».

À coup sûr aussi, dans la pratique, plus certainement encore que dans la théorie, Turgot et Gournay se montraient les protecteurs dévoués et sincères de l’industrie, tout aussi bien que s’ils eussent été parfaitement étrangers à la doctrine qui avait cours parmi les économistes[3].

Ce n’est pas tout, et le sentiment de la liberté est autrement vif, il opère sur un champ bien autrement étendu, avec Turgot qu’avec Quesnay. Sur la question du prêt à intérêt, le contraste est frappant, et il fait supposer une divergence appréciable aux points de départ. Tandis que Quesnay légitimait et tout ensemble limitait l’intérêt par la considération du rendement parallèle des achats de biens-fonds, et tandis qu’il empruntait ainsi, mais inconsciemment, quelque chose à la doctrine canonique du lu-

  1. Lettre du 20 février 1770. — Voyez Denis, op. cit., p. 146.
  2. Réflexions, § 17. — Lettre de Turgot du 20 février 1770. — Voyez Denis, op. cit., p. 142.
  3. M. Germain Martin, dans son beau volume de la Grande industrie en France sous le règne de Louis XV, examine les actes plutôt que les théories et les formules (Op. cit., pp. 6 et s. ; pp. 30 et s.).