Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/253

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fécond en ressources et même en expédients, mais de nulle valeur scientifique. Il plaide élégamment le pour et le contre : pour la spéculation, afin que les achats dans la baisse relèvent les prix et empêchent l’écrasement du marché[1] ; mais contre la liberté du commerce, dès que le blé vaudra 30 livres le setier (24 fr. 90 les 100 k.), pour qu’alors les marchands soient empêchés « d’acheter sans destination et dans le dessein uniquement de revendre plus cher dans un autre moment[2] ». Selon lui l’exportation ne devrait jamais être permise, pour les blés et ne l’être pour les farines que si les blés sont tombés et se maintiennent à moins de 20 livres (16 fr. 60 les 100 kilos). Il tient surtout à la régularité des cours, avec la conviction que le taux des salaires — comme si la loi d’airain était déjà reconnue — n’est jamais ni au dessus, ni au dessous de ce qui est « exactement nécessaire à l’entretien de la vie du travailleur ».

C’était contrecarrer la politique de Turgot. Aussi les amis de ce dernier répondirent-ils, notamment Morellet[3], Condorcet[4] et Baudeau[5]. Ce dernier refit alors, avec assez de bonheur, le procès des règlements et du système manufacturier en général, comme la politique de Colbert l’avait comportés et comme Necker semblait vouloir le ramener.

Avec Condorcet nous allons descendre jusqu’à la Révolution[6]. Le marquis de Condorcet, mathématicien surtout

    tude... Cependant, on ose le dire, après avoir établi des lois de propriété, de justice et de liberté, on n’a presque jamais rien fait encore pour la classe la plus nombreuse des citoyens. Que nous importent vos lois de propriété ? pourraient-ils dire ; nous ne possédons rien. Vos lois de justice ? nous n’avons rien à défendre. Vos lois de liberté ? si nous ne travaillons pas demain, nous mourrons. »

  1. Op. cit., IIe partie.
  2. Ibid., IVe partie.
  3. Analyse de l’ouvrage intitulé : De la législation et du commerce des blés, 1775.
  4. Lettre sur le commerce des grains et Lettre d’un laboureur de Picardie à M, N., auteur prohibitif, à Paris, 1775.
  5. Dans les Nouvelles éphémérides économiques, 1775.
  6. Condorcet (1744-1794), député à la Convention, où il avait été élu par sept départements, se prononça, en 1793, pour les Girondins. Après le 31 mai, il resta huit mois caché à Paris, dans une petite chambre de la rue Serran-