Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/254

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et philosophe, ami de Turgot, mais d’une impiété profondément sectaire, avait donné divers articles dans l’Encyclopédie, notamment ceux de Monopole et de Monopoleurs. Député à la Législative et à la Convention, il publia, en 1792, l’Impôt progressif, reflet des passions du moment. Puis, proscrit en juillet 1793 après l’arrestation des Girondins, il écrivit, dans sa cachette de la rue Servandoni, son Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, où se trouve, un écho du discours que Turgot avait prononcé sur le même sujet à la Sorbonne en 1750[1]. Condorcet y affirme sa croyance à la perfectibilité indéfinie de la race humaine par la liberté, l’instruction et la fin de la superstition. Ce qui est plus remarquable, c’est qu’on trouve là pour la première fois l’idée de caisses de retraites pour la vieillesse, qui, basées sur le calcul des probabilités de vie d’après les tables de mortalité et sur le calcul des intérêts composés, seraient constituées, gérées et entretenues par l’État[2]. Ce sont du reste les pages les plus intéressantes — les seules intéressantes même — de cet ouvrage.

    doni. Il en sortit de lui-même, erra dans la campagne, fut reconnu à Clamart pour un ci-devant à cause de ses manières aristocratiques, et s’empoisonna la nuit suivante à Bourg-la-Reine, où il était provisoirement détenu.

  1. Voyez plus haut, p. 219.
  2. Condorcet, ici, commence par observer la différence « entre l’égalité établie par les institutions politiques et celle qui existe entre les individus ». Il en assigne trois causes : 1o  l’inégalité de richesses ; 2o  l’inégalité dérivant de l’hérédité, qui fait que les uns recueillent une succession et que les autres sont les artisans uniques de leur fortune (est-ce que cette deuxième cause ne rentre pas dans la première ?) ; 3o l’inégalité d’instruction. Or, « les fortunes tendent naturellement à l’égalité… si les lois civiles n’établissent pas des moyens factices de les perpétuer et de les réunir », De plus, on peut combattre les inégalités de situation par des tontines, assurances sur la vie, etc., etc. — « C’est à l’application du calcul aux probabilités de la vie et aux placements d’argent que l’on doit l’idée de ces moyens, déjà employés avec succès, sans jamais l’avoir été cependant avec cette étendue, cette variété de formes qui les rendraient vraiment utiles… à la masse entière de la société… Ces établissements, qui peuvent être formés au nom de la puissance sociale et devenir un de ses plus grands bienfaits, peuvent être aussi le résultat d’associations particulières » (Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, 10e [et dernière] époque, édition de 1822, pp. 271-275). — Malthus a combattu les projets de Condorcet dans son Principe de population, 1. III, ch. I.