Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/273

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Sur les salaires, Smith débute en étudiant la situation du travailleur autonome, la seule qui existât, dit-il, « dans cet état primitif qui précède l’appropriation des terres et l’accumulation des capitaux… ; mais cet état ne put pas durer…, et dans tous les pays de l’Europe, pour un ouvrier indépendant, il y en a vingt qui servent sous un maître[1] ». Sans manifester ici de particulières sympathies pour la classe ouvrière, Smith attribue la dépression des salaires à un manque de liberté, parce que « nous n’avons point, dit-il, d’actes du Parlement contre les ligues qui tendent à abaisser le prix du travail ; nous en avons beaucoup contre celles qui tendent à le faire hausser[2] ». Il terminera cependant cette étude des salaires par des vœux en faveur de l’amélioration du sort des classes pauvres, amélioration qu’il rattachera à l’application de la loi sous-entendue du Wage-fund. « La demande de ceux qui vivent de salaires, dit-il, ne peut augmenter qu’à proportion de l’accroissement des fonds destinés à payer des salaires[3]… Elle augmente nécessairement avec l’accroissement des revenus et, des capitaux de chaque pays, et il n’est pas possible qu’elle augmente sans cela[4]. » Toutefois cette formule du wage-fund ne tarde pas à recevoir une restriction très sensible, puisque, aux pages suivantes, Smith revient à rattacher la hausse des salaires, « non pas à l’étendue actuelle de la richesse nationale, mais à son progrès continuel[5] », progrès dont la marque est « l’augmentation du nombre des habitants[6] » : pourtant cette dernière opinion, c’est-à-dire l’idée d’un rapport qui existerait entre la richesse et l’accroissement de la population, fait assez difficilement corps avec la doctrine d’ensemble de Smith

  1. Ch. VIII, (t. I. p. 84).
  2. Loc. cit., p. 86.
  3. C’est-à-dire la demande de travail par les patrons.
  4. Loc. cit., pp. 90-91.
  5. Loc. cit., p. 92.
  6. Loc. cit., p. 94.