Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/283

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vement fort peu étendu, moins que ne l’eût permis le développement avancé où la science financière était déjà parvenue chez les Anglais.

— Telle est cette œuvre immense, demeurée universellement célèbre. Elle a plus de lacunes que d’erreurs ; mais ceux qui cèdent à la tentation de lui reprocher les unes ou les autres, oublient trop le progrès immense qu’elle a réalisé. On voit trop volontiers ce qui y manque : on est souvent injuste pour ce qui s’y trouve. La postérité a peu ajouté à la notion du capital ; elle n’a pas corrigé beaucoup dans la théorie de la répartition. Et tout cela jaillissait pour ainsi dire du premier jet, après le système des physiocrates, défectueux à tant d’égards, après quelques exposés épars des véritables principes, et après l’œuvre, didactique déjà, mais fausse à tant de points de vue, de James Denham Steuart.

Quelle est la méthode philosophique qu’Adam Smith a suivie ? Il aurait hésité lui-même à répondre à cette question si on la lui avait posée ; mais il suffit de le lire pour apprécier quelle large part il a faite à l’observation et à l’analyse des faits. C’est de la méthode inductive, croyons-nous, qu’il s’inspire le plus ordinairement ; et la démarcation profonde qui le sépare des physiocrates en est encore plus nette et mieux tranchée. En cela, du reste, il demeure ce qu’il s’était montré dans sa Théorie des sentiments moraux : car, d’après Smith moraliste, si la raison intervient dans le discernement du bien et du mal, ce n’est pas en acceptant ou en démontrant des principes de métaphysique, ni des concepts généraux, c’est tout simplement en généralisant les données empiriques qui naissent des sentiments, soit de sympathie, soit de répugnance, provoqués en nous par la vue répétée des actes moraux de nos semblables.

Les critiques dirigées contre Adam Smith peuvent être ramenées aux suivantes :

1° Le manque d’ordre. Nous n’avons pas la prétention