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Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/296

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taux de leur valeur relativement aux autres marchandises assure dès lors des bénéfices aux négociants qui en feront venir ; et si l’état de la société n’en réclame pas, on la condamnerait à perdre en l’obligeant à recevoir des métaux précieux plutôt que toute autre chose dont les négociants trouvent la défaite plutôt lucrative[1]. »

Nous acceptons bien le raisonnement de J.-B. Say en ce qui concerne la comparaison des mouvements de numéraire et des mouvements de marchandises ; quant à son idée un peu trop simpliste de la balance du commerce — balance qu’il suppose en un équilibre nécessaire et dont, les écarts apparents ne servent qu’à masquer cette nécessité de l’équilibre — nous restons convaincu que certains mercantilistes éclairés, comme Mun, avaient professé des opinions plus exactes.

En d’autres termes, l’erreur de J.-B, Say, c’est tout ensemble de ne pas soupçonner les correctifs que la balance générale des comptes apporte à la balance spéciale du commerce ; elle est de ne pas croire à une émigration ou immigration de capitaux, qui se superposerait à la théorie des débouchés et même à tous les mouvements de revenus dans un sens ou dans l’autre pour mettre la balance des comptes en équilibre ; elle est enfin de ne rien soupçonner du phénomène que Ricardo, au même moment, constatait et expliquait par sa théorie de la valeur internationale : je veux dire l’adaptation naturelle et réciproque qui, entre

  1. Ibid., p. 188. — J.-B. Say ne se doutait guère que le mercantiliste Thomas Mun avait soutenu, il y avait plus de cent cinquante ans, la même opinion sur l’innocuité ou même l’avantage d’une exportation de numéraire (Voyez plus haut, pp. 126). — Isaac de Bacalan avait dit aussi : « On croit avoir fait pencher en sa faveur la balance du commerce, lorsque, après avoir retiré des marchandises d’une nation en échange de celles qu’on lui a portées, cette nation est demeurée débitrice et a payé en argent le surplus des marchandises qu’elle a reçues. Mais, qu’on y prenne garde ! Ce n’est encore là qu’un échange : car, ou vous ne considérez l’argent que comme signe et alors il n’a point de valeur réelle, ou vous le considérez comme marchandise, et dans ce cas le commerce n’a abouti qu’à un échange et la balance est encore en suspens » (Paradoxes philosophiques, dans Sauvaire-Jourdan, pp. 42-43 ; voyez plus haut p. 242).