nations, ajuste le pouvoir de la monnaie sur le besoin qu’on en a[1]. Il est même à craindre maintenant que beaucoup de libre-échangistes, séduits par la clarté d’exposition de J.-B. Say, ne s’arrêtent à cette surface et qu’ils ne le citent beaucoup de confiance sans avoir creusé comme il convenait cette partie, assurément incomplète et très défectueuse, de sa doctrine économique.
On a prêté parfois à J.-B. Say des sympathies en faveur de la progressivité de l’impôt. Nous avons répondu ailleurs sur ce point[2]. Au fond, il ne s’agissait que de l’exemption des revenus très misérables, ce qui n’a rien de commun avec le principe de la progressivité.
Dans leur ensemble, les travaux de J.-B. Say laissent l’impression d’un esprit vraiment didactique, éminemment apte à exposer, à faire comprendre et à persuader. Aussi est-ce lui qui a vraiment fondé, je ne dis pas l’économie politique, mais au moins l’enseignement économique. Il est toutefois regrettable que certaines pages, comme le Discours préliminaire du Traité, révèlent un homme profondément infatué de lui et armé d’un cruel dédain pour le vulgaire inapte à le comprendre. Il n’est pas moins regrettable que sa morale, purement utilitaire au sens de Bentham, n’ait eu qu’une base absolument fragile et fausse, que la saine philosophie est incapable d’avouer[3].
Enfin, bien que ce dernier grief n’ait pas la même importance, on ne saurait non plus justifier J.-B. Say de son dédain pour l’étude des doctrines économiques professées avant lui, à moins qu’on ne lui trouve une excuse dans
- ↑ Voyez infra, ch. vi, « La valeur internationale ».
- ↑ Éléments d’économie politique, 2e édit., p. 702 en note.
- ↑ J.-B. Say prétendait que « la doctrine de ce grand homme (Jérémie Bentham) finira par régner seule, parce qu’elle est fondée sur la nature des choses, qui ne périt point, et sur l’intérêt de l’humanité, que l’on entendra mieux chaque jour ». Il le loue d’avoir « donné pour base au droit, non des théories vagues et contestées, comme le droit divin, mais un principe fécond…, seule marche qui convienne au grand siècle dans lequel nous vivons » (Notes pour le Cours d’économie politique de Storch, voyez op. cit., éd. franc., 1823, t. I, p. 6 en note).