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VI

CRITIQUE GÉNÉRALE DE L’ÉCOLE DITE ORTHODOXE OU CLASSIQUE

Adam Smith, J.-B. Say, Malthus et Ricardo passent pour représenter ce qu’on appelle vulgairement « l’école orthodoxe ou classique[1] ». Nous conservons malgré nous cette expression si impropre qu’elle soit : car, s’il est vrai que les sciences humaines ne pouvant pas être hérétiques, ne méritent pas davantage d’être appelées orthodoxes, et s’il est vrai également que, devant la vérité à trouver, nul n’ait le droit de parler de romantisme ou d’esprit classique, il n’en est pas moins vrai que ces quatre auteurs ont concouru à des titres divers à la fondation de la science économique, et que, placés plus près de ses origines, ils lui ont apporté un certain nombre de vérités primordiales qui leur ont survécu. L’idée d’un ordre naturel et permanent, la conviction qu’il existe des lois économiques placées au dessus de l’arbitraire des législateurs humains, enfin la confiance en la liberté, qui stimule la production parce qu’elle encourage les initiatives, voilà quelques-uns des traits qui les distingueront toujours, et qui du même coup les ont désignés aux âpres critiques de l’école historique allemande et de quiconque appartient à quelqu’une des nombreuses écoles socialistes.

Quelques explications, communes aux quatre grands économistes, sont ici nécessaires, dussions-nous avouer sur

  1. Les économistes anglais, par question d’amour-propre national, ne font pas place ici à J.-B. Say, qu’ils affectent de ne pas connaître. Pour eux, le quatrième fondateur de l’économie politique classique est Stuart Mill, dont l’œuvre principale (Principes d’économie politique) est de 1848, c’est-à-dire postérieure d’une, deux et même presque trois générations aux ouvrages des trois autres auteurs.