Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/345

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nobiliaires, même avec le servage dans certaines parties du pays, en un mot avec tout un ensemble d’institutions féodales qui contrastaient étrangement avec le régime intérieur de l’Angleterre et avec l’égalité des droits civiques, telle, que la Révolution venait de la donner à la France. Ajoutez à cela la multiplicité des États souverains, de telle sorte que les douanes intérieures eussent en Allemagne une base que notre unité nationale française, dès longtemps constituée, leur avait enlevée chez nous depuis plusieurs siècles.

Une lutte dans les idées était inévitable.

Les deux principaux représentants des institutions féodales furent Haller[1] et Adam Müller[2]. Haller défend énergiquement le servage (Leibeigenschaft) et les justices seigneuriales, qui lui paraissent une suite naturelle de la propriété foncière ; Müller fait l’éloge de la féodalité, qu’il appelle « la fusion la plus élevée des hommes et des choses » ; et tous deux s’accordent à attaquer vivement Smith et l’école libérale.

À côté d’eux, d’autres écrivains comme Sartorius, Soden, etc., et avec eux le grand jurisconsulte Savigny prennent une attitude moins systématique ; ils se placent tout simplement sur le terrain des faits et des institutions, soit pour les justifier, soit pour conseiller de n’y toucher qu’avec des précautions infinies. On peut voir en eux les précurseurs de l’école historique.

L’influence que la Révolution française avait exercée sur l’histoire de l’Allemagne, et les suites qu’elle avait eues, expliquent assez bien cette attitude nettement réactionnaire d’une notable partie de la littérature économique et politique au commencement du XIXe siècle. Par contre, il est vrai, le génie allemand aurait dû s’accommoder fort bien du caractère rationnel de l’économie politique

  1. Karl Ludwig von Haller, Restauration der Staatswissenschaften, 1816.
  2. Adam Müller, Die Elemente der Staatskunst, 1809.