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l’agriculture et l’industrie pour s’intéresser surtout au commerce. Plus tard il voyagea beaucoup. Il fit un séjour en Angleterre, en 1818 et 1819, au moment de la grande crise qui suivit les traités de 1814 et de 1815. C’était alors la période « chaotique » de la grande industrie comme on dit ensuite ; des salaires très bas, une durée exagérée du travail, le surmenage des enfants poussé à ses dernières limites, une hygiène industrielle déplorable, que les factory acts n’avaient pas encore tenté d’améliorer, tout — y compris le blé à 40 francs les 100 kilos — concourait à un paupérisme industriel, qui a été combattu très heureusement depuis cette date[1]. Sismondi en rapporta l’idée de son livre le plus connu : Nouveaux principes d’économie politique ou de la richesse dans ses rapports avec la population, ouvrage paru en 1819 et réédité en 1827. Les chapitres qui en on fait la réputation, sont ceux qu’il a intitulés : « De la division du travail et des machines ; résultats de la lutte pour produire à bon marché ; restrictions apportées par les lois à la multiplication des producteurs[2] » et surtout tout le livre VII, « De la population ». Toutefois on ne connaît pas Sismondi tout entier si on laisse de côté ses Études sur les sciences sociales (1836-1838), recueil de nombreux essais détachés, dont la plupart avaient déjà paru en articles dans des revues. Sismondi y reprenait ses plaidoyers contre le machinisme, la surproduction et la concurrence, en y mêlant, il est vrai, des pages historiques et descriptives d’un réel intérêt sur la crise irlandaise, sur la culture en Italie et autres sujets.

Il s’anime surtout contre la surproduction. Pour lui,

  1. Sismondi reconnaît cependant que « d’après les observations des meilleurs juges, en Angleterre, les ouvriers des manufactures sont supérieurs en intelligence, en instruction et en moralité aux ouvriers des champs… Vivant sans cesse ensemble, moins épuisés par la fatigue et pouvant se livrer davantage à la conversation, les idées ont circulé rapidement parmi eux » (Op. cit., 2e édition, 1827, 1. IV, ch. vii, p. 397). — Pour la comparaison entre les ouvriers des villes et ceux des campagnes, c’est tout le contraire de l’opinion formulée vingt ans auparavant par Malthus (voyez plus haut, p. 326).
  2. L. IV, ch. vii, vii et x.