Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/365

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une économie politique chrétienne. Préfet des Bouches-de-l’Ebre, puis de Sambre-et-Meuse sous Napoléon Ier, ensuite du Tarn-et-Garonne et du Nord sous la Restauration, enfin député d’Hazebrouck de 1846 à 1848, M. de Villeneuve-Bargemont devait à cette longue carrière administrative promenée de Tortosa jusqu’à Namur une connaissance exacte de la situation économique et morale des populations. Lui aussi, mais en catholique ardent et convaincu, s’éleva au dessus des conceptions purement scientifiques de l’économie politique anglaise, et il produisit un système complexe de science et de morale, de théories et d’œuvres, d’intérêts économiques et de charité pure, qu’on a maintes fois essayé de rajeunir.

Telle est la pensée qui inspira à M. de Villeneuve-Bargemont, pendant les années de repos forcé que la Révolution de juillet lui imposait, son volume Économie politique chrétienne ou recherches sur la nature et les causes du paupérisme en France et à l’étranger et sur les moyens de le soulager et de le prévenir (1834). C’est une œuvre estimable à plus d’un titre, qui, en visant à une amélioration effective des conditions sociales, se place sur le terrain des réformes charitables beaucoup plus que sur celui des doctrines scientifiques. Nous avons cité déjà de cet auteur un hommage rendu à Malthus[1].

Si l’économie politique classique avait fait fausse route, selon M. de Villeneuve-Bargemont c’est parce que « le but de la société ne saurait être seulement la production de la richesse » ; ce but est bien plutôt « la plus grande diffusion possible de l’aisance, du bien-être et de la morale parmi les hommes ». La conclusion, c’est que « les théories de l’école anglaise ne sauraient y conduire, et qu’elles doivent

  1. M. de Villeneuve-Bargemont s’était encore exprimé ainsi dans son Économie politique chrétienne : « Le système de Malthus, avait-il dit, fondé sur une morale irréprochable, est complètement d’accord avec les principes du christianisme… Malthus aurait complété sa démonstration, s’il avait su ou osé s’affranchir des préjugés du protestantisme » (L. I, ch. v, p. 93 de l’édition de 1837). — Voyez plus haut p. 302.