Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/421

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des exportations[1]. Cairnes critique très justement cette formule, en montrant les effets des placements faits à l’étranger ou reçus de l’étranger. En un mot, à l’étude d’une balance du commercé même rectifiée par la comparaison des valeurs relatives de la monnaie, il substitue l’étude d’une balance complète des comptes internationaux ou balance économique[2]. Il a parfaitement raison.

Il subsiste cependant ici une grave lacune. On a oublié de dire ou de faire assez remarquer que l’équilibre des comptes — autrement dit l’équation des demandes internationales — peut être obtenu par des mouvements de capitaux aussi bien que de produits, et que par conséquent cet équilibre n’est pas inconciliable avec l’appauvrissement de l’un des deux pays au profit de l’autre[3]. En ce cas, comme le dit très sagement M. Fontana-Russo, « une émigration des instruments de production remplacerait le commerce des produits[4] ». Nous en avons fait déjà la remarque en critiquant ce qu’il y a d’incomplet dans la fameuse théorie des débouchés de J.-B. Say[5].

C’est là la grande menace de la politique du libre-échange. Les partisans de la théorie de la valeur internationale, c’est-à-dire Ricardo, Stuart Mill et même Cairnes — quoique ce dernier dans une moindre mesure[6] — avaient

  1. Supra, p. 384. — Stuart Mill, il est vrai, avouait un peu plus loin qu’il y a d’autres causes de payements « dont l’origine n’est point commerciale et en échange desquels on n’attend et ne reçoit ni monnaie, ni marchandises ». Et il citait « les rentes envoyées à des propriétaires absents, les intérêts payés à des créanciers étrangers ou des dépenses de gouvernement au dehors » (Principes d’économie politique, 1. III, ch. xxi, § 4, t. II, p. 167). Mais, outre que Stuart Mill ne parlait de cela qu’en passant, il se trompait gravement en supposant qu’on ne reçoit pour ces motifs « ni monnaie, ni marchandises ». Au contraire, grâce aux négociations des papiers de change, c’est en marchandises et en excédents favorables de la balance du commerce que se payent toutes ces créances sur l’étranger.
  2. Cairnes, Some leading principles, 1. III, ch. iii, § 5, pp. 424 et s., et particulièrement p. 429.
  3. Voyez sur ce point nos Éléments d’économie politique, 2e édition, pp. 386-388.
  4. Fontana-Russo, op. cit., p. 33.
  5. Supra, p. 288.
  6. Voyez supra, p. 379. — Item, pp. 262-263.