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philosophiques entremêlées d’idées économiques prennent une réelle importance dans les écoles[1]. D’ailleurs, le moyen âge, avec ses Universités, ses grandes écoles monastiques, ses conciles aussi, où s’agitaient les plus hautes questions de la philosophie, offre le spectacle d’un mouvement, intellectuel beaucoup plus général qu’aucun siècle de l’empire romain.

Cette fois enfin, le mot « économie » a conquis droit de cité. Qu’on prenne garde toutefois : cette économie est un art ; elle est une branche de la vertu de prudence : elle se place entre la morale, qui règle la conduite de l’individu, et la politique, qui règle la conduite du souverain. Elle est donc la morale de la famille ou du chef de la famille, au point de vue d’une bonne administration du patrimoine, comme la politique est la morale du souverain, au point de vue du bon gouvernement de son État. Il n’est encore aucunement question de lois économiques, au sens de lois historiques et descriptives ; et l’économie politique, inexistante encore en tant que science, n’est qu’un rameau du grand arbre qui s’appelle l’éthique ou l’art de bien vivre[2].

  1. La source principale pour l’étude de cette période est l’ouvrage de M. Brants, professeur à l’Université catholique de Louvain, Théories économiques aux XIIIe et XIVe siècle, 1895. — Voir aussi : Jourdain, Mémoire sur les commencements de l’économie politique dans les écoles du moyen âge, Académie des inscriptions et belles-lettres, 1874 ; — Ashley, An Introduction to English economic history and theory, 1888 ; 3eédit, 1894, I. 1., ch. III, et I. II, ch. VI ; — de Girard, Histoire de l’économie sociale jusqu’à la fin du XVIe siècle, 1900 ; — Dubois, Précis de l’histoire des doctrines économiques, t. I, pp. 68-99. — Cette période est développée avec détails dans l’Histoire des doctrines économiques de M. Espinas, pp. 72-119. — Quant à l’ouvrage de Cibrario, l’Économie politique du moyen âge, 1839 (traduction française de 1859), il est consacré aux institutions économiques et non aux doctrines.
  2. « Œconomia est species prudentiæ media inter politicam et prudentiam quæ ad unius regimen est ordinata… Divitiæ comparantur ad œconomicam, non sicut finis ultimus, sed sicut instrumenta quædam. Finis autem ultimus œconomicæ est totum bene vivere secundum domesticam conversationem » (S. Thomæ, Summa theologica, IIa IIae, quæstio L, art. 3). — De même, Vincent de Beauvais (mort en 1264) : « Practica quidem scientia est, quæ recte vivendi modum ac disciplinas formam secundum virtutum institutionem disponit. Et hæc dividitur in tres scilicet : 1° ethicam, id est moralem, et 2° œconomicam, id est dispensativam ; et 3° politicam, id est civilem. Prima quidem est solitaria quæ mores instituit et ad singulos pertinet ; secunda est privata, quæ familiam disponit et ad patrem familias pertinet ; tertia pu-