Dans sa conception du rôle de l’État, M. Leroy-Beaulieu avait été précédé par M. Alfred Jourdan, doyen de la Faculté de Droit d’Aix et auteur du Rôle de l’État dans l’ordre économique (1882). Avec l’un et l’autre de ces deux auteurs, l’école libérale contemporaine prenait très sagement position contre les sophismes et les menaces des diverses sortes de socialisme. M. Jourdan, toutefois, faisait de la liberté des échanges internationaux une règle essentielle de droit naturel[1], ce qui n’aurait pas dû moins faire que de l’exposera des difficultés pour ainsi dire insurmontables, quand il se serait agi de justifier et d’imposer le rôle de l’État gardien et défenseur de la nationalité, en matière de service militaire par exemple.
Nous serions injuste si dans cette liste, forcément trop rapide, nous ne faisions pas une place à M. Maurice Block (1816-1901), dont nous avons cité si souvent les Progrès de la science économique depuis Adam Smith. La profonde justesse des vues y rivalise ordinairement avec l’inépuisable abondance des matériaux[2].
Chez M. Henri Baudrillart (1821-1892), le souci des questions morales apparaît dans le Manuel d’économie politique (1857) et dans les Rapports de la morale et de
- ↑ Jourdan, op. cit., ch. xiii, pp. 192 et s. — Le Cours analytique d’économie politique du même auteur se recommande par la clarté de l’exposition.
- ↑ 1re éd., 1890 ; — 2e éd., 1896.
tout bien approprié, il y a une part sociale qui dépasse de beaucoup celle qui échoit définitivement au propriétaire. Dans les pays les mieux cultivés, le propriétaire ne perçoit guère comme fermage absolument net que le quart, le cinquième ou le sixième du produit brut, le reste s’en allant en salaires, en engrais, en instruments de travail, en frais de toutes sortes, en impôts, en réparations, en assurances… Et qui oserait soutenir que toutes les installations faites par les propriétaires fonciers, tous les capitaux incorporés au sol depuis que la terre est propriété privée, tout le surcroît d’attention et d’efforts qui résultent de l’organisation propriétaire, n’aient pas augmenté la production agricole d’un sixième ?… Donc, non seulement le régime de la propriété privée n’est pas onéreux aux consommateurs non propriétaires, mais il leur est considérablement profitable » (Op. cit., t. I, pp. 538, 540, 566-569). — Nous recommandons tout particulièrement la discussion de l’unearned increment contre Stuart Mill (Op. cit., t. I, pp. 731 et s.) et Thorold Rogers (Ibid., pp. 760 et s.).