Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/553

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Telle est, dans ses grandes lignes, cette nouvelle économie politique, que maintes fois, après Hildebrand et Roscher, on a appelée « nationale ». Pourquoi cette expression ? Il faut savoir la prendre en un sens tout différent de celui que List y donnait. Ce que List appelait l’économie « nationale », c’était celle qui, tenant le milieu entre l’économie domestique et l’économie universelle, étudiait les causes de la prospérité d’un peuple en face des autres nations qui le concurrencent. Rien de semblable ni avec Roscher, ni avec Lujo-Brentano : l’épithète, ici, n’a d’autre but que de montrer le caractère relatif et tout local de la science, dès qu’on la ramène aux procédés et aux points de vue de l’historisme. On est loin aussi du sens que les premiers commentateurs allemands d’Adam Smith donnaient à leur mot Nationalœkonomie.

Nous en avons dit assez pour faire ressortir les traits essentiels de l’historisme germanique.

Comme l’a déclaré un de ses interprètes les plus autorisés, Karl Bücher, « l’école historique veut faire de l’économie politique la théorie de l’évolution économique des peuples, tandis que le smithianisme (lisez : l’économie politique classique) se propose d’approfondir les lois de la vie économique actuelle[1]. »

À ce titre, toutefois, il n’y aurait encore ni contradiction nécessaire, ni même dualité d’écoles : il y aurait seulement deux sciences distinctes, puisque le but de l’une serait différent de celui de l’autre, sans qu’elles soient l’une et l’autre opposées. Ce serait comme un retour à la distinction que Stuart Mill avait faite entre la statique et la dynamique.

  1. Karl Bücher, dans Die Entstehung der Volkswirthschaft, 1893, cité par Block, Progrès de la science économique depuis Adam Smith, 2e édit., t. 1, pp. 32-33. — Voyez dans le même sens les Études d’histoire et d’économie politique du même auteur, qui renferment l’ouvrage cité ci-dessus et qui ont été traduites en français (Bruxelles et Paris, 1901), avec une préface éminemment suggestive sur l’historisme. Celle-ci a été écrite par M. Pirenne, professeur à l’Université de Gand.