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lui-ci : le Christ républicain démocrate socialiste. Cabet avait déclaré que le communisme est la même chose que le christianisme dans la pureté de ses origines[1], et que les ordres religieux auraient probablement établi la communauté sur la terre, s’ils avaient pris pour base le mélange des sexes au lieu de se fonder sur leur isolement[2]. Proudhon écrivait, en 1848, un opuscule du Christianisme et de son origine démocratique. Louis Blanc, qui dans l’Organisation du travail avait eu sans cesse le nom de Dieu sous sa plume, professait de son côté qu’il ne faut pas « confondre ce que le christianisme avait eu de relatif et de transitoire avec ce qu’il a de divin et d’éternel », et que si autrefois il avait été amené à exagérer par l’ascétisme la victoire de l’âme sur le corps pour réagir contre le matérialisme païen, il fallait maintenant revenir à un juste équilibre, en faisant succéder l’harmonie à l’antagonisme et à la victoire tour à tour exagérée du corps sur l’âme et de l’âme sur le corps[3]. Il n’y avait pas même jusqu’à l’antithéiste Proudhon qui ne crût utile de dire « qu’en matière de religion la plupart des socialistes sont mystiques et qu’une foule de catholiques sont socialistes ».

Si cette dernière proposition n’était pas exacte sous sa forme générale, il n’en est pas moins vrai qu’un certain nombre de catholiques, alors comme hier encore, s’efforçaient déjà de trouver dans le socialisme un reflet et même une émanation de l’Évangile[4]. Mais nous reviendrons plus tard sur cette parenté d’origine et ces liens de filiation ou de conformité que bien des fois l’on a prétendus exister entre le christianisme et le socialisme.

  1. Voyage en Icarie, 4e édition, 1846, p. 478.
  2. Ibid., p. 567.
  3. Introduction (juillet 1847) à une nouvelle édition de l’Organisation du travail (voyez la 9e édition, pp. 5-7).
  4. Cette idée n’est spéciale ni à 1848, ni aux démocrates chrétiens de France : on la trouve ailleurs. « Il collettivismo, dit M. l’abbé Umberto Benigni, è una eresia cristiana, mentre l'individualismo è puro paganesimo » (Economia sociale cristiana avanti Costantino, 1897, p. 237).