Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/709

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posent sur une fausse analyse de l’état social contemporain, qui, du reste, est beaucoup plus complexe que l’auteur du Capital ne l’a vu.

Va-t-on, comme il le croit, à une concentration des fortunes par suite du régime de la grande industrie ? Va-t-on également à une disparition de ces classes moyennes qui se recrutaient auparavant par une lente ascension de certains éléments des classes inférieures ?

Évidemment non. Nous ne contestons point que cette classe moyenne se transforme, en fournissant un nombre croissant d’individus qui, au lieu d’être industriels et négociants pour leur propre compte, sont salariés de la grande industrie et du grand commerce. Aussi bien les immenses sociétés coopératives de consommation dont l’Angleterre peut être fière, comme celle de Rochdale, ont-elles elles-mêmes concouru à cet amoindrissement relatif du commerce de détail. Mais par un autre côté la baisse du taux de l’intérêt et la vulgarisation croissante du crédit ont rendu proportionnellement plus de services aux petits entrepreneurs qu’aux gros ; et avec la quantité beaucoup plus grande des échanges, avec la dilatation automatique des besoins que tout homme croit ressentir, avec la création d’une foule de professions et de métiers nouveaux, il s’est ouvert à la classe moyenne des débouchés et des carrières qui lui avaient manqué auparavant. Bref, il y a lieu de croire qu’elle est plus nombreuse qu’autrefois, et cela d’une manière proportionnelle et non pas seulement absolue. En France, sans doute, nous souffrons du danger de voir se créer dans son sein un véritable prolétariat intellectuel ; mais la menace en vient moins, selon nous, d’un réel encombrement des carrières de travail que de la diffusion mal comprise de l’enseignement, du déclassement général de la population et du prestige exagéré des situations officielles et des diplômes.

L’action économique et sociale des sociétés anonymes a été encore plus mal comprise par Marx. Selon lui, elles