Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/725

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l’État sur les facultés naturelles de l’individu, ni la suppression de la propriété particulière. J’y signale cependant :

1° La suppression des rapports de patronage entre employeur et employé et même des rapports de protection entre le mari et la femme[1]. Selon lui, le régime patriarcal ou paternel est condamné à disparaître, par la diffusion de l’instruction et des journaux, par la facilité des déplacements et par l’extension universelle de l’électorat[2]. Le féminisme de Stuart Mill se relie à cette conception de l’état futur de la société. On sait que, d’après lui, si l’instinct animal s’est développé dans l’espèce humaine, c’est parce que les femmes se sont vouées à la maternité[3]. Mais il faut qu’elles se dégagent de ce rôle et conquièrent leur pleine indépendance ;

2° La suppression du salariat, par « l’association, en certains cas, des ouvriers avec l’entrepreneur, et à la fin, dans tous, des travailleurs entre eux[4] ». Mill se trouve ici d’accord avec Saint-Simon, qui l’avait précédé historiquement[5].

Du reste, d’après lui, il faut condamner comme n’étant « ni juste, ni bon, un état de société dans lequel il existe une classe qui ne travaille pas, un état dans lequel il y a des êtres humains qui, sans être incapables de travail et sans avoir acheté le repos au prix d’un travail antérieur, sont exempts de participer aux travaux qui incombent à l’espèce humaine[6] ». Ici l’attaque au principe de la propriété héréditaire est visible, ainsi que la condamnation des revenus sans travail. — Seulement Stuart Mill se trompe sur la nature et la forme de cette « exemption » de la loi

  1. « Tout individu de l’un ou de l’autre sexe qui possède ou qui gagne de quoi vivre sans le secours d’autrui, n’a pas besoin d’une autre protection que celle que la loi lui donne ou devrait lui donner » (1. IV, ch. vii, édit. Guillaumin, t. II, p. 312).
  2. Ibid., p. 313.
  3. Ibid., § 3, p. 317.
  4. Ibid., § 4, t. II, p. 320.
  5. Voyez plus haut, p. 592.
  6. Principes d’économie politique, 1. II, ch. i, § 2, t. I., p. 235.