Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/741

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aura trouvé du premier coup le communisme le plus absolu.

On conçoit donc que les socialistes se soient divisés et surtout qu’ils aient équivoque. Les saint-simoniens étaient pour le droit à l’existence, — puisqu’ils donnaient « à chacun selon ses besoins » ; Louis Blanc avait tenu successivement pour les deux opinions[1] ; quant à Rodbertus et à Marx, ils n’ont pas laissé leurs commentateurs d’accord sur la manière de les interpréter sur ce point[2]. « Les partis socialistes actuels, dit un de ces interprètes, partisan, quant à lui, du produit intégral — ne sont pas encore arrivés à se mettre d’accord d’une façon nette sur le principe fondamental du socialisme, à savoir si la base de l’organisation sociale future doit être le droit au produit intégral du travail ou le droit à l’existence. On n’est pas non plus d’accord sur la personne qui doit être le sujet de cette propriété commune… Sur toutes ces questions, les ouvrages socialistes ne donnent que des réponses vagues, souvent contradictoires[3]. »

De là cette obstination avec laquelle les socialistes se refusent presque toujours à nous laisser connaître le régime futur de la société socialisée. Comment donc nous en décriraient-ils les détails, puisqu’ils ne savent pas même suivant quels principes ils essaieraient de la rebâtir ? Ainsi le socialisme peut bien être une grande force de destruction, et la partie négative de sa critique peut inspirer les plus justes inquiétudes : mais sa partie positive n’existe pas et il n’a jamais consenti à la développer. « Nous n’avons d’autre guide, disait Georges Renard, que l’idée du possible et le sentiment du juste, tels qu’ils se dégagent pour nous de l’étude des faits et de leur comparaison avec l’idéal conçu par notre raison[4]. » On conviendra bien que rien, ne saurait être aussi peu scientifique.

  1. Supra, p. 673.
  2. Voyez Menger et Andler, op. cit., pp.xxxii et s. ; pp. 16 et s., etc.
  3. Menger, op. cit., pp. 146-147 ; pp. 212 et s.
  4. Revue socialiste de décembre 1897.