— À coup sûr, aux nouvelles formes de production correspondraient de nouvelles formes d’échange. Nous avons vu, en effet, que Proudhon, Owen et Rodbertus, pour ne parler encore que de ceux-là, entendaient bien, remplacer la monnaie. La réciproque est vraie sans doute, et l’on doit pouvoir dire que tout régime qui veut se passer de monnaie, doit exiger le collectivisme pour pouvoir fonctionner[1]. C’est là ce qui donne de l’intérêt au comptabilisme social de M. Solvay et ce qui nous amène à en dire ici quelques mots, quoique M. Solvay ne se propose aucunement de faire supprimer la propriété en faisant disparaître la monnaie.
Qu’est-ce donc ? Il s’agirait tout simplement de faire tenir par les bureaux de poste des comptes courants individuels, que chacun pourrait se faire ouvrir, soit en se faisant d’abord créditer du montant de la monnaie qu’il verserait, soit en apportant comme gage la valeur de ses immeubles et fonds d’État nationaux. Le client n’aurait plus ensuite, qu’à se faire débiter ou créditer du montant des chèques qu’il délivrerait ou recevrait sur tous les autres clients de cette nouvelle banque universelle. Le procédé ne serait que facultatif : mais quand tout le monde l’aurait adopté, il n’y aurait plus de monnaie en circulation, et l’État n’aurait plus qu’à réaliser, soit comme marchandises, soit à l’étranger comme monnaie, tout l’or et l’argent qu’il aurait retirés ainsi de la circulation.
Le procédé est purement chimérique, à tel point que les, bons d’échange et tous les types de Lohngeld peuvent être au moins aussi sérieux.
M. Solvay, en effet, à qui ses précieuses découvertes en chimie industrielle, son immense fortune et les fondations qu’il a érigées, peuvent faire quelque illusion, n’a pas vu qu’il n’y a plus d’unités abstraites de valeur quand il n’y a pas en même temps sous une forme concrète une monnaie--
- ↑ En ce sens Aucuy, les Systèmes socialistes d’échange, 1908, pp. 51 et s.