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marchandise ou quelque autre chose très réelle à laquelle on puisse rapporter des taux d’échange. Son système serait d’autant plus faux qu’il serait appliqué davantage, de même qu’en tout pays les billets de banque ne vaudraient plus rien le jour où une monnaie matérielle et tangible cesserait, d’exister à côté d’eux pour en quelque sorte les porter. Nous croyons aussi que Marx avait raison : c’est que la production sera nécessairement socialiste le jour où l’échange le deviendra[1].


IV

LA NATIONALISATION DU SOL

Certaines écoles socialistes ont demandé d’une manière particulière la mise en commun du sol, la suppression de la propriété foncière individuelle et son transfert à l’État ou aux communes, chargés d’en rétrocéder la simple jouissance aux individus. C’est ce que nous nous proposons d’examiner, sous le nom de « nationalisation du sol ».

Or, pour qu’une différence aussi profonde entre la propriété du sol et celle de tous les autres biens fût rationnelle, il faudrait une différence non moins profonde dans les principes sur lesquels reposent, d’une part la propriété de la terre, d’autre part la propriété des autres biens. Cette différence, d’ailleurs, a été faite : à la suite notamment de Mirabeau[2], on a cherché à établir une démarcation radicale entre la propriété des produits, qui aurait eu sa cause dans le travail, et la propriété de la terre, qui n’aurait eu la sienne que dans la loi[3]. Jusqu’à présent,

  1. Voir l’exposé et la critique dans Aucuy, op. cit., pp. 315 et s. — M. de Foville (la Monnaie, 1907, pp. 234 et s.) raille spirituellement M. Solvay. — Voyez aussi Vilfredo Pareto, Systèmes socialistes, t. II, pp. 280 et s.
  2. Discours de Mirabeau lu à la Constituante le 2 avril 1791.
  3. Ce système est soutenu en France par Ch. Gide. On est étonné de le trouver aussi dans Villey (Principes d’économie politique, 2e édit., 1894, pp. 67, 170, 177), ce qui n’empêche pas M. Villey de défendre la propriété