Par contre, il a surgi une idée assez nouvelle, véritable défi au bon sens comme au dictionnaire. Très souvent on appelle ce socialisme là une « religion ». Il paraît que même la grève générale en serait une ; car religion, à ce que l’on dit, ne signifierait pas autre chose que n’importe quoi que l’on fait avec enthousiasme, comme si l’idée de la Divinité et d’un culte à lui rendre avait cessé d’être ce qui fait par essence une religion[1].
II
LES ESSAIS DE SOCIALISME CHRÉTIEN
La pensée socialiste, quoi qu’on ait dit, n’a donc pas jailli de la pensée chrétienne. Mais la pensée chrétienne ne s’y serait-elle pas adaptée ? N’aurait-elle pas cherché à l’absorber en la soudant avec elle-même ? N’y aurait-elle pas fait tout au moins de très larges emprunts, de manière à constituer après coup quelque chose que l’on cuisse appeler le socialisme chrétien ?
C’est ce que nous allons voir maintenant, en distinguant avec soin le mouvement protestant et le mouvement catholique[2].
- ↑ Vilfredo Pareto : « Tous ou presque tous les systèmes socialistes sont des systèmes religieux » (Systèmes socialistes, p. 267) ; — Fournière : le socialisme est une religion, puisque l’essence d’une religion est d’être le « ciment indispensable d’une société » (Théories socialistes au XIXe siècle, p. 45) ; — Fidao, le Droit des humbles, 1904 : « À cela près qu’Enfantin resta impuissant à concevoir ou à reconnaître le surnaturel, il avait le sens catholique » (Op. cit., pp. 143, 145, 113, etc.) ; — Lebon, Psychologie des foules, p. 61. — Voyez surtout l’Introduction que M. Dolléans a mlise à son Robert Owen : « Le socialisme, dit-il, est la religion de l’humanité ou encore la religion du prolétariat déifié »… Il est une « doctrine religieuse » (Op. cit., p. 8). Toute cette thèse y est longuement exposée ou discutée.
- ↑ Nous recommandons tout particulièrement le Socialisme chrétien, de M. Henri Joly, 1892. — On peut consulter beaucoup des autres auteurs cités
cisme et même le protestantisme constitué en Églises » (Op. cit., p. 138). Selon lui, le désaccord irréductible pourrait bien reposer sur le dogme du péché originel (Ibid., pp. 145 et 154). Nous n’y contredisons pas, tant s’en faut.