Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/783

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la meilleure défense contre les juifs n’est point dans l’emploi des moyens violents et bien moins encore dans l’adoption des formules fausses du socialisme, auquel l’antisémitisme confine par tant de côtés[1] : elle est bien plutôt dans la connaissance impartiale et éclairée des lois économiques et dans les procédés intelligents que la connaissance de ces lois peut inspirer.

En France, les idées catholiques sociales n’ont été généralement qu’un reflet un peu pâli des idées émises par les groupes d’Allemagne et d’Autriche[2]. De plus, leurs progrès y ont été singulièrement entravés, soit par le mouvement très marqué de retraite que M. le comte de Mun, regardé longtemps comme le chef de cette école en France, a dessiné dans toutes ces dernières années, soit par l’attitude au moins très réservée de l’épiscopat français, dont aucun membre n’a appuyé ces théories et dont plusieurs au contraire, comme Mgr Freppel, évêque d’Angers, et Mgr Turinaz, évêque de Nancy, les ont démasquées et combattues.

En Belgique le parti socialiste chrétien a été plus osé et plus agissant[3]. Il comptait parmi ses principaux pro-

  1. « Le mouvement antisémitique, dit Claudio Jannet, est exploité fort habilement par les socialistes. Ils y ont trouvé un excellent terrain pour engager la lutte contre le capital et la propriété. L’histoire se répète. Les grands tumultes qui se produisirent au moyen âge contre les juifs après la peste de 1348, furent la préface de violences contre les propriétés de l’Église et de la noblesse. De même aujourd’hui les excitations à l’institution de chambres de justice populaires et au pillage des maisons de banque juives ne peuvent que conduire à une nouvelle Commune » (Claudio Jannet, le Capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, p. 545).
  2. M. de Girard, qui appartient à cette école, convient qu’on ne peut pas « prédire en France, avec quelque vraisemblance, l’avenir du mouvement social catholique ». Mais il attribue — bien à tort — nos idées économiques libérales et conservatrices aux « discussions politiques » et aux « énervantes discussions sur la question du ralliement à la République » (Introduction historique sur le mouvement social catholique, dans Ketteler et la question ouvrière, Berne, 1896, p. 79).
  3. Ainsi, dans Charité, justice, propriété (Paris, 1899), M. de Ponthière, qui est un des chefs du groupe belge, demande avec Henri George la confiscation totale ou partielle de l’unearned increment (Op. cit., p. 52). Sa thèse principale, c’est que, tout devoir impliquant un droit corrélatif et