Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/101

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térité de la loi chrétienne, il suit la route opposée ; il donne tout à Dieu. Qu’est-ce que cette élection gratuite, ce salut que nos œuvres n’ont pas gagné, cette miséricorde sans conditions, cette Providence sans bornes ? qu’est-ce, sinon, comme l’a dit un écrivain modeste et distingué,[1] une profonde humilité de la créature devant son Dieu, le plus immense sacrifice qu’elle pût lui faire ? Il importe peu que l’orgueil soit assez habile pour tourner à son profit une doctrine qui devait l’écraser ; il n’en est pas moins vrai qu’elle est née d’un réveil du sentiment moral.

C’est en vain d’ailleurs qu’on voudrait faire passer le calvinisme pour un système immoral. Il ne l’est que lorsqu’on en abuse, et l’on peut abuser des meilleures choses, même de l’Evangile. Calvin porte, sans doute, une grave atteinte au principe de la responsabilité de l’homme, et ce n’est pas sans raison qu’on lui a reproché de faire de Dieu l’auteur du mal ; mais il est le constant défenseur, il est le champion de la conscience et de la loi du devoir. Au lieu de fonder la morale sur la liberté, il la fonde sur le décret divin. Il ne l’anéantit pas ; il la fait découler de la dogmatique, comme un corollaire de son théorème. C’est le contraste que présentent plusieurs doctrines fatalistes ; elles n’affaiblissent le

  1. M. Sayous. Etudes littéraires sur les écrivains français de la Réformation, sec. édit., 1, 133.