Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/116

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nombre, que celui que j’ai contre mon impatience ; mes efforts ne sont pas absolument inutiles ; cependant je n’ai pu encore vaincre cette bête féroce. » Cette bête féroce, s’il est permis d’emprunter au réformateur son énergique expression, résista malgré lui et malgré la grâce. Sa susceptibilité augmenta dans la lutte. À côté des beaux traits de son caractère, elle se montra jusque dans ses derniers adieux. C’était au milieu de scènes touchantes :

Voyant, dit M. Th. de Bèze, que la courte haleine le pressait de plus en plus, il pria Messieurs les quatre Syndics, et tout le petit conseil ordinaire, de le venir voir tous ensemble. Etant venus, il leur fit une remontrance excellente des singulières grâces qu’ils avaient reçues de Dieu, et des grands et extrêmes dangers desquels ils avaient été préservés, ce qu’il pouvait bien leur réciter de point en point, comme celui qui savait le tout à meilleures enseignes qu’homme du monde ; et les admonesta de plusieurs choses nécessaires, selon Dieu, au gouvernement de la Seigneurie. Bref, il fit l’office de vrai prophète et serviteur de Dieu, protestant de la sincérité de la doctrine qu’il leur avait annoncée, les assurant contre les tempêtes prochaines, pourvu qu’ils suivissent un même train de bien et mieux. Et sur cela, les ayant priés en général et en particulier lui pardonner tous ses défauts, lesquels nul n’a jamais trouvés si grands que lui, il leur tendit la main.

Les paroles prononcées par Calvin dans cette circonstance solennelle nous ont été conservées. Elles sont graves et fortes, comme il convenait.