Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/157

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est fort utile à l’éditeur, mais est-il bien de Pascal ? Que l’étude de la nature humaine conduise Pascal à reconnaître en elle des besoins qu’elle est impuissante à satisfaire, rien de plus naturel, rien de plus légitime ; mais qu’elle le conduise encore à l’idée de la chute, c’est-à-dire à l’idée qui explique la contradiction dont s’étonne Pascal, c’est ce que je nie. L’idée de la chute est une idée religieuse donnée par l’Evangile, et immédiatement applicable à la nature humaine, sans doute, mais à laquelle l’homme, Pascal du moins doit le croire, n’est pas arrivé par ses seules forces. Il n’y a que le chrétien qui, des contradictions de sa nature, ait conclu aussitôt qu’il est déchu ; l’Evangile lui a appris à les expliquer ainsi. Or Pascal ne s’adresse pas au chrétien ; il ne veut pas convaincre celui qui est déjà convaincu ; il s’adresse à l’incrédule, et veut l’obliger à croire. Dans cette supposition, qui est bien celle qu’accepte Pascal, il ne peut pas passer sans intermédiaire de l’idée de ces contradictions à l’idée de la chute. De l’une à l’autre le passage est long, difficile ; il faut jeter un pont entre elles, et c’est sur ce pont même que Pascal doit livrer le combat décisif. Les contradictions de l’homme, voilà le problème ; la chute, en voilà la solution chrétienne : or la solution du problème ne saurait être introduite subrepticement dans le problème lui-même, à titre de coup de grâce. L’œuvre de Pascal et de l’apologie tout en-