Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/160

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core, il se borne à éveiller l’attention. Là je reconnais l’auteur des Provinciales.

Après lui avoir représenté tout ce que ce peuple a de singulier, il s’arrête particulièrement à lui faire remarquer un livre unique par lequel il se gouverne, et qui comprend tout ensemble son histoire, sa loi et sa religion. À peine a-t-il ouvert ce livre, qu’il y apprend que le monde est l’ouvrage d’un Dieu, et que c’est ce même Dieu qui a créé l’homme à son image… Quoiqu’il n’ait rien encore qui le convainque de cette vérité, elle ne laisse pas de lui plaire.

Remarquez de nouveau comme tous les écarts sont soigneusement évités ; pas un mot qui dépasse la conclusion strictement légitime, pas un mot qui anticipe. Pascal non-seulement n’ose pas encore affirmer la chute ; il n’ose pas même affirmer que Dieu a créé l’homme et qu’il l’a créé à son image.

Ce qui l’arrête en cet endroit, c’est de voir, par la peinture qu’on lui a faite de l’homme, qu’il est bien éloigné de posséder tous ces avantages, qu’il a dû avoir lorsqu’il est sorti des mains de son auteur. Mais il ne demeure pas longtemps dans ce doute, car dès qu’il poursuit la lecture de ce même livre, il y trouve qu’après que l’homme eut été créé de Dieu dans l’état d’innocence et avec toutes sortes de perfections, la première action qu’il fit fut de se révolter contre son Créateur, et d’employer tous les avantages qu’il en avait reçus pour l’offenser.

Après cela, Pascal n’estime point encore son homme convaincu ; il ne traite pas si légèrement ce coup de grâce, qui ne coûte qu’une ligne à M. Astié.