Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pascal a parlé de notre invincible curiosité, de ce désir de connaître que rien n’apaise, quoiqu’â chaque pas il s’achoppe contre un mystère. La chute expliquera-t-elle cette troisième anomalie ? Il ne le semble pas.

L’incertitude de nos connaissances résulte en grande partie du fait que l’homme est un milieu entre rien et tout, et que sa position même lui dérobe la vue des extrêmes. Retranchons la chute. L’homme en sera-t-il moins à l’étroit entre ces deux abîmes ? Sera-t-il dans une position meilleure pour découvrir la vérité ? La science ne reposera-t-elle plus sur un cercle vicieux ? Ne sera-t-elle plus obligée de prononcer sur le tout sans connaître les parties, et sur les parties sans avoir embrassé le tout ? L’homme, dans son état d’innocence, ne sera-t-il pas aussi bien que l’homme déchu, un monstre incompréhensible, incapable de savoir certainement et d’ignorer absolument, un juge de toutes choses et un cloaque d’incertitudes, sinon d’erreurs ?

Les contradictions dont Pascal accuse l’homme sont de deux sortes ; il faut distinguer entre elles.

Les unes sont morales ; c’est le cas par exemple de l’éternelle impuissance de l’homme à réaliser sur la terre le bonheur et la justice. La chute étant un fait moral se laisse très naturellement rapprocher de ces deux contradictions, et l’on conçoit sans peine qu’elle puisse en être la cause.