parcourait une prairie au printemps, il y récoltait, comme le premier venu, une violette odorante et une violette inodore, dont les fleurs variaient du violet au blanc. Aujourd’hui, sans tenir compte d’un caractère aussi inconstant que celui de la coloration des fleurs, il récoltera dans la même prairie cinq ou six violettes, — peut-être plus, — nettement distinctes et reconnaissables à distance pour tout œil exercé. Il en est de même pour la moitié du règne végétal. Examinée de plus près et avec une attention plus ingénieuse, la nature a découvert une richesse de formes qu’on ne lui soupçonnait pas auparavant, et qui ne paraîtra rien en comparaison de sa richesse probable si l’on songe au peu d’étendue des territoires sérieusement explorés. Aussi ne s’attache-t-on plus seulement à quelques caractères saillants ; on observe et l’on tâche de décrire la physionomie, les mœurs, le mode de croissance ou de développement de tous les êtres qui nous entourent, et au lieu de négliger les accidents, on les note avec un soin minutieux, dans l’espoir d’y surprendre à l’état naissant le passage d’une forme à une autre.
C’est par là que la science moderne me paraît se rapprocher de l’esprit dans lequel a travaillé M. Sainte-Beuve. Lui aussi, il a décrit des formes, et plus il a observé, plus il les a vues se multiplier. N’eussent-elles réellement qu’une valeur individuelle, l’étude qu’il en a faite ne serait point dé-