Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/278

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plus, celle des métamorphoses et des grandes espérances données aux sincères, il se fût senti soulagé. Il eût reconnu ici l’émotion de la sincérité qui commande le respect et inspire la sympathie. Quand M. Sainte-Beuve raille les simples et se flatte d’être l’esprit le plus brisé qu’il y ait au monde, on ne désire rien tant que de le surprendre en défaut, encore épais et noué par quelque endroit ; mais quand après avoir traversé tant de pensées et considérant le peu qu’il en reste, il s’écrie que pourtant il a été, lui aussi, un homme de vérité, on s’arrête, saisi, car ce cri-là vient du fond des entrailles.

Ces pages ont été écrites il y a dix ans ; faut-il, — tout en réservant l’avenir, — les envisager comme le dernier mot de M. Sainte-Beuve ? Je le crois, sauf à faire la part du moment, et à ne pas trop insister sur ce qui donnerait à penser que cet esprit si ouvert n’a atteint à une entière liberté que par une entière indifférence, car jamais M. Sainte-Beuve n’a été moins indifférent que dans ces dernières années. Elles lui ont valu un regain de jeunesse, dont les Nouveaux Lundis sont le précieux monument, et dans plus d’une occasion on l’a vu donner un démenti à ceux qui le jugeaient incurablement versatile et incapable de s’attacher à rien. En certaines matières M. Sainte-Beuve est toujours le même sceptique, ce qui tient, si je ne me trompe, à sa trop grande connaissance des hommes ; en politique, par exemple,