Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/279

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il ne croit pas à une base sûre, mais seulement à des équilibres qui varient selon les temps, les lieux et les circonstances ; la politique lui paraît un terrain mouvant dont il faut s’accommoder le mieux possible. Mais il n’étend pas à tout cette facilité, et l’on se tromperait si l’on croyait qu’il ne tiendra bon sur rien. Il fléchira sur ce qui s’appelle principes ou doctrines, il s’arrangera selon les circonstances, il ne dira pas toujours tout ce qu’il pense, mais il ne dira jamais ce qu’il ne pense pas, il y aura dans son fait du plus ou du moins ; mais il ne variera pas sur les grandes questions qui se rattachent à la culture générale de l’humanité, il cherchera à diriger l’opinion non jusqu’à un certain point, mais dans un certain sens, et il y mettra, s’il le faut, de l’activité, de l’énergie, de la fermeté, de l’audace. Il a moins de système que jamais ; mais il a une tendance de plus en plus marquée. Que l’esprit aille où il voudra, pourvu qu’il aille et qu’on ne l’emprisonne pas : voilà ce qu’il désire et ce qu’il demande. Et c’est ainsi que cet homme réputé changeant a fini par défendre une cause, celle même de l’esprit, et que tant de souplesse a eu pour dernière conséquence des actes de courage. Il est aussi serein que jadis, mais à sa sérénité s’unissent un mouvement et une chaleur de vie qui semblent croître avec l’âge ; au milieu de l’Illusion infinie il y a une chose qu’il aime, dont il jouit, dont il sent plus que jamais l’inestimable valeur, et