Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/280

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cette chose c’est encore l’esprit toujours vivant et agissant.

Dans tous les temps et dans tous les pays on a vu paraître des écrivains chargés en quelque sorte de représenter le libre jeu de la pensée ; dans tous les temps et dans tous les pays ils ont soulevé contre eux tous les dogmatismes réunis. Il n’en est pas moins vrai qu’ils nous rendent un grand service, celui de nous tenir toujours en éveil et de nous relancer éternellement. L’homme est paresseux de tête comme de bras, et l’inertie entre pour une part dans ce qu’on appelle communément principes et convictions. On croit se fixer, trop souvent on se fige, et il faut bien que quelqu’un vienne de temps en temps rendre à la vie intellectuelle son mouvement et sa fluidité. C’est là proprement la fonction de ces penseurs souples et déliés. Belle fonction, mais qui a son danger comme toutes les autres ; volontiers elle conduit à la vaine curiosité. On oublie que la liberté elle-même n’a de valeur qu’à la condition d’être aimée, sentie, et d’inspirer le dévouement. L’écueil est aujourd’hui plus prochain que jamais. M. Sainte-Beuve ne l’a pas toujours évité. Il a, lui aussi, abusé du dilettantisme ; mais il ne s’y est point renfermé, et il a fini par trouver une cause à défendre dans cette vie de l’esprit où il semblait autrefois ne voir qu’une source de plaisirs délicats. Pour elle il a affronté la contradiction, la moquerie et presque l’in-