Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/294

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idées, il a préféré la transparence du bon sens. Son vocabulaire, quoique simple, se renouvelle de page en page. Chaque pensée crée sa forme, et d’elle-même trouve son langage, toujours original comme elle, comme elle toujours fidèle au véritable génie de cette langue française, qui autrefois ne se figeait jamais, même aux heures de nonchalance, ne se contractait jamais, même dans ses hardiesses et ses emportements, belle langue au flot limpide, et qui avait le don de couler. Il peut arriver, et cela est surtout sensible dans la Vie de Jésus, que la langue de M. Renan, à force de se nuancer, s’effémine en molles délicatesses ; elle a des chatoiements trop subtils, des reflets trop changeants. On lui voudrait parfois un angle de plus. Mais avec quelle heureuse facilité elle se plie à tous les tons ! Comme elle sait être forte sans cesser d’être fine, légère sans manquer de richesse ni d’ampleur ! Jamais à court, jamais chargée, la phrase ondoie et flotte autour de la pensée, comme une gaze transparente, à moins qu’elle ne la serre vivement, et n’en dessine d’un trait le svelte contour. Langue animée, on y sent l’esprit toujours présent, qui donne aux mots les plus ordinaires un lustre nouveau de justesse et d’à propos, ou les illumine soudain d’un reflet inattendu de poésie.

Les langues se cultivent par l’usage que l’on en fait, et à combien d’usages nouveaux le français n’a--