Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/349

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le lien conjugal ; Cérés, l’agriculture, la paix, les lois civiles, toutes les institutions civilisatrices, etc. Ces dieux sont unis dans l’Olympe, ils pourraient l’être aussi sur la terre, car l’homme véritable renferme dans son sein toutes les puissances qui forment le cercle des divinités. Mais où est l’homme véritable ? L’individualité est toujours étroite par quelque endroit. Les limites où nous renfermons et comprimons la vie divine la rendent impossible dans son harmonie idéale. L’espace manque. La famille et l’état, entre autres, deux nécessités égales, sont sans cesse en conflit. La Grèce exigera d’Agamemnon le sacrifice d’Iphigénie, et Antigone ne pourra ensevelir Polynice, son frère, qu’en bravant l’édit qui le condamne à être à jamais privé de sépulture. Voilà les principes divins en présence. Le tragique n’est pas autre chose que cette lutte formidable, c’est la guerre des dieux. Cette guerre ne saurait être éternelle. Le conflit tragique doit avoir une solution, et il la trouve le plus souvent dans la destruction de l’arène trop étroite où la lutte était engagée. Les héros meurent, et les dieux satisfaits rentrent dans leur repos.[1]

  1. Quelquefois, il est vrai, l’issue du conflit est pacifique. Oreste a tué Clytemnestre, sa mère, laquelle avait assassiné Agamemnon, coupable du sang d’Iphigénie. Il est jugé par l’aréopage d’Athènes. Les Furies l’accusent. Apollon le défend. On va aux voix, les suffrages se partagent également, et la destinée d’Oreste resterait suspendue dans le doute,