Si le tragique est la guerre des dieux, et si le comique est l’opposé du tragique, le comique devrait être l’harmonie des dieux. Il en est bien ainsi dans un sens, et nous allons le voir tout à l’heure ; mais le comique ne peut devenir dramatique qu’en échappant à ces hautes et sereines régions. Qui dit drame, dit lutte. Que peut être la lutte comique ? Serait-ce une lutte où les dieux auraient le dessous ? Schlegel l’a cru. Dans la comédie, telle qu’il l’entend, les sens se moquent de l’esprit. Mais c’est par là, précisément, qu’il a fait preuve de peu de philosophie. La défaite des principes divins ne saurait être la conclusion d’aucun art. Il faut dans la comédie, aussi bien que dans la tragédie, que l’individu échoue dans ses efforts contre les lois éternelles. Mais tandis que dans la tragédie la personnalité du héros est brisée par la lutte, comme un vase trop
sans l’intervention de Minerve, la vivante Athènes, qui fait pencher la balance en faveur de l’absolution ; après quoi, on élève des autels aux Euménides et à Apollon. Le théâtre grec ne nous offre pas de plus grand spectacle que ce jugement solennel, où plaident les dieux. Mais qui ne voit que ce dénouement n’en est pas un ? C’est un droit de grâce, arbitrairement exercé. L’imagination se lassait de cette série de crimes expiatoires. On peut faire une observation semblable sur les tragédies qui se terminent par la mort du héros. La mort peut être une fin, mais elle n’est pas une solution. Là est le point faible de la tragédie grecque : moralement, elle manque de dénouement. Il n’y a qu’un seul dénouement à la tragédie humaine, le pardon. La Grèce l’a entrevu, mais confusément et de loin.