fragile, dans la comédie elle résiste et triomphe. Or elle ne peut triompher que si le héros accepte sa défaite de bonne grâce. Le héros tragique est inébranlable dans sa volonté. Le héros comique voit ses projets se détruire les uns les autres sans se sentir atteint ; il goûte jusque dans ses déceptions la satisfaction de la sérénité ; il est inébranlable dans sa mobilité. Cette disposition peut être produite par l’infatuation de soi-même. Le dernier raffinement de la vanité est de n’être jamais plus content de soi que lorsqu’on est réduit à s’en moquer ouvertement. Dans les classes inférieures de la société, on trouve aussi des hommes qui ont appris à se faire à tout, et dont l’inaltérable bonne humeur est le fruit de mécomptes infinis. Mais le véritable héros comique l’est par supériorité d’esprit, supériorité qui le sauve de l’avilissement, malgré ses folies et ses fautes. Il a en lui-même un asile où il se réfugie bien vite, en riant aux éclats, quand le châtiment menace de l’atteindre. Ne se livrant jamais tout entier, il ne succombe jamais tout entier, et il regarde le flot vengeur gronder au-dessous de lui et l’éclabousser en passant. C’est par là que le comique touche aux plus hauts sommets de la poésie, et se confond avec le rire des dieux.
Ainsi s’opposent le tragique pur et le pur comique : il y a des intermédiaires, sans doute ; mais c’est dans les types franchement caractérisés que l’art